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Marioupol
Un officier russe a accompagné ses adieux par : "84 ans ? Il est temps de crever"
Yuri Nekrasovsky, retraité
Yuri Nekrasovsky
À côté de notre immeuble de neuf étages se trouve l’école n° 42, qui a littéralement été bombardé le deuxième jour. En fait, c'est comme ça que la guerre a commencé pour moi. Il n'y avait pas d'abris anti-bombes dans notre maison de la rue Karpinskogo, donc après le raid, des voisins plus jeunes (j'ai moi-même déjà 84 ans) ont descendus des matelas au premier étage. Ils les ont posés à même le sol et ont dit qu'il était interdit de s'approcher des fenêtres.

J'ai été brûlé aux mains par une bombe au phosphore, des réfrigérateurs et des meubles tombaient des fenêtres

Au cours des premiers jours, il y avait encore de la nourriture, mais je n'ai pas réussi à obtenir ma pension. Les Allemands... euh, non, je me trompe tout le temps, les Russes n'étaient pas encore venus, mais le pillage avait déjà commencé.

Mariupol après le bombardement par les troupes russes

Photo : Yuri Nekrasovsky
Nous avons vécu ainsi "joyeusement" pendant cinq ou six jours. Nous avons eu le temps de célébrer le 20e anniversaire d'un jeune voisin, Dani. Et puis les "amis" russes ont largué des bombes au phosphore sur notre maison … quelle bassesse !. J'ai été brûlé aux mains, des réfrigérateurs, des meubles et d'autres objets de la maison sont tombés des fenêtres... tout brûlait. Les Russes étaient déjà très proches, nous pensions qu'ils allaient seulement tirer, mais ils sont venus en avion... La maison a été détruite presque jusqu'aux fondations, certains sont morts, et c'est ce même Dani et un voisin muet qui m'ont sorti de là. Nous avons été transportés en charrette sur près de trois kilomètres jusqu'à l'internat pour les malentendants, puis de là à l'hôpital du 17e quartier, qui était déjà sous le contrôle des Russes. J'étais couché au 7ème étage, et sur le toit se trouvait une mitrailleuse ou un mortier qui tirait sur notre ville.

En fait, les seules personnes soignées au rez-de-chaussée étaient des soldats russes et des spéculateurs locaux, tandis que nous étions laissés mourir de faim. Ils nous nourrissaient une fois par jour, un verre d'eau bouillante, un morceau de pain et des pâtes. Mais une fois, un médecin m’a donné une petite pomme. Qui sait, c'est peut-être ce dont j'avais besoin pour survivre. Mais pour être honnête, j'ai survécu par hasard.

Une connaissance, avec laquelle nous faisions des campagnes (j'ai dirigé pendant de nombreuses années le club touristique de Mariupol), m'a racheté contre la nourriture. Elle a donné des restes de pain, d'une boîte de conserve. Au moment de partir (je ne pouvais presque plus bouger) un officier russe m'a dit : "84 ans ? Il est temps de crever. Sortez-le d'ici. Et on m'a emmené à la maison, dont la plus grande partie avait déjà brûlé, chez des amis de ma défunte femme. Je ne peux pas vous dire leur nom, ils sont encore sous occupation. Ce n'est qu'après quelques semaines que j'ai commencé à marcher. Je pesais près de 120 kilos avant la guerre, et maintenant je pèse 73 kilos, mes jambes sont enflées...

Mon appartement a complètement brûlé...
Mon appartement a complètement brûlé - avec mon chat, ma magnifique bibliothèque de plusieurs milliers de volumes, et des rapports uniques de voyages effectués au cours d’un demi-siècle. Je suis membre de l'Union nationale des journalistes, auteur de 34 livres, tous brûlés également. Comme la plus riche collection de timbres,. A l’époque, pour l'un d'entre eux, on m'a offert un appartement de deux pièces dans le centre de Kiev.

Une connaissance, avec laquelle nous faisions des campagnes (j'ai dirigé pendant de nombreuses années le club touristique de Mariupol), m'a racheté contre la nourriture. Elle a donné des restes de pain, d'une boîte de conserve.
Mes voisins, qui ont survécu, survivaient tant bien que mal, en recueillant l'eau de pluie et en la faisant bouillir sur le feu dans leur cour. Les arbres étaient brûlés dans toute la région, il n'y avait rien pour se chauffer...

Près de notre maison, un tank soviétique se dressait sur un piédestal - en mémoire des soldats de la Grande Guerre patriotique – où ont été enterrés les morts lors des bombardements récents. Deux personnes que nous ne connaissions même pas, ont été tuées près de notre maison.

Ceux qui n'ont pas été attrapés, ont fui dans toutes les directions. Mes voisins se sont installés à Rivne, Shepetivka et dans diverses villes d'Ukraine. Avec l'aide de la communauté juive, en particulier d'Alisa Rostovtseva, j'ai réussi à me réfugier à Zaporozhye. C'était un long chemin, qui passait par Nikolskoye, Boevoye, Volodarsk, Berdyansk et Melitopol.

Je n'avais que mon passeport et le survêtement que je portais à l'hôpital. Nous étions tous les quatre assis sur la banquette arrière d'une petite voiture - nous genoux touchaient nos mentons. Aux postes de contrôle, notre conductrice a présenté cinq passeports, mais ils ne les ont pas vérifiés, compte tenu de mon âge. Le 22 mai, nous sommes arrivés à Zaporizhzhya, et des amis ukrainiens m'ont presque immédiatement emmenée à Boyarka, où je me trouve actuellement.

J'avais beaucoup de connaissances en Russie, mais je n'ai plus de contact avec eux. Seuls mes proches en Russie sont venus me dire qu'ils étaient désolés, mais qu'ils ne pouvaient rien faire... Et quand je suis arrivé à Boyarka, ils ont rétabli mon téléphone, et dès le premier jour, j'ai reçu 77 appels de mes proches, de Marioupol.

Je voyageais beaucoup, je construisais des zones touristiques à Arkhiz et à Teberda, je me promenais dans le Nord russe, je communiquais avec Khanty, Mansi, Komi - je les respectais et j’ai vu ce que les Russes avaient accompli. Quelle est l'attitude actuelle à leur égard ? J'aimerais beaucoup lâcher une petite bombe, même si elle n'est pas au phosphore, sur le Kremlin, sur le camarade Poutine.

Anatoly (l'ami de Yuri qui l'a hebergé à Boyarka). Je peux y mettre mes cinq kopeks. Ma fille, âgée de 46 ans, vit à Vladimir avec sa petite-fille, elle a 23 ans. Elles ont cessé de communiquer avec moi, elles ont peur... Ce sont les personnes les plus proches de ma famille.

Les conséquences d'une frappe aérienne de l'armée russe sur une zone résidentielle de Mariupol
Photo : Yuri Nekrasovsky
Le témoignage a fait l'objet d'une chronique le 25 juillet 2022

Traduit du russe par Sloan M.