En face de nous, se trouvait « l’Épicentre » : nous y avons vu de nombreuses voitures abattues avec des morts, certains allongés à côté des voitures, directement par leurs familles. Dans d’autres, les morts étaient assis directement dans l’habitacle.
De manière générale, les batailles étaient intenses ; et ils se sont approchés directement
avec une carte : « Voilà, nous voulons nous installer ici avec vous ». Un voisin l’a bien
compris, il nous a dit : « Regardez l’immeuble, fait de brique et de mousse, si vous nous venez en aide, elle s’écroulera sur vous, comme un château de cartes. Et vous serez enterrés sous les décombres ». Il vous faut quelque chose de plus fiable, dit-on. Ils ont fait plusieurs fois le tour puis sont partis.
Dans notre entourage proche, personne n’est mort, mais une collègue de travail qui partageait le même bureau vivait à Irpin, soit littéralement à un kilomètre et demi de chez nous. Ils habitaient dans un appartement au sixième étage, elle et son enfant ont pu être évacués, mais son mari est parti combattre et le grand-père de 72 ans est resté. L’une des pièces a été touchée directement par un impact, ce qui a déclenché un incendie. L’homme a tenté de s’enfuir, en commençant à tresser un support des draps, mais il s’est emmêlé, a trébuché, tombé par fenêtre et est mort écrasé.
Nous avons essayé de partir le 9 mars par un « couloir vert », nous avons pour cela traversé toute la ville de Boutcha à pied avec nos bagages, jusqu’au conseil municipal. Il y avait des chars et des véhicules de combat partout. Toute la ville était venue à 11h, comme cela avait été déclaré. Ils ont dit que les femmes et les enfants seraient emmenés, tandis que les hommes ne seraient pas autorisés à entrer dans les véhicules. Ils ont poursuivi en disant que quand tous seraient placés, il serait possible d’avancer en colonne des voitures privées. Mais pour nous, ce n’était pas une option envisageable car quand nous sommes arrivés, la vitre arrière était cassée et il n’y avait plus d’essence. Nous nous sommes donc rendus au bus mais c’était sans espoir. Nous sommes restés à cet endroit pendant deux heures, il faisait très froid. Alors que nous pensions déjà rebrousser chemin, des hommes, nous voyant revenir avec nos valises, nous ont proposé de nous évacuer.
À partir d’une heure de l’après-midi, ils ont attendu l’autorisation pour envoyer des bus, mais ils ne les ont pas laissé passer. Cependant, à leurs risques et périls, un énorme convoi de voitures individuelles de plus de 500 a pris la route. Vers 16h30, nous sommes enfin partis, et avons tourné sur l’autoroute de Varsovie puis sur celle de Jytomyr, pour finalement arriver à Kiyv à 2h30. Nous avons mis près de 12h pour faire une route, qui nous prenait d’habitude qu’une demi-heure.
L’entreprise pour laquelle je travaillais a complètement brûlé
En face de nous, se trouvait « l’Épicentre » : nous y avons vu de nombreuses voitures abattues avec des morts, certains allongés à côté des voitures, directement par leurs familles. Dans d’autres, les morts étaient assis directement dans l’habitacle. Ce sont ceux qui ont tenté de partir par eux-mêmes : ils ont été abattus.
Nous sommes arrivés à Bilohorodka, où se trouvaient des policiers ukrainiens et des volontaires. Dans ce village, nous pouvions boire du thé et manger quelque chose. Nous avons passé la nuit dans un hôtel à Kiyv, puis le matin, des hommes nous ont emmenés à Khmelnytskyï, nous avons voyagé pendant deux jours, il y avait de nombreux points de contrôle et il n'y avait pas d'essence. Dans un premier temps, de Khmelnytskyï à Lviv, puis jusqu’à Doubliany, où nous avons vécu jusqu'au 5 mai.